les entorses de cheville chez les footballeurs pro

Les entorses de chevilles sont un véritable fléau dans le monde du football professionnel. Elles peuvent mettre un joueur sur la touche pendant des semaines, voire des mois, compromettant ainsi sa saison et parfois même sa carrière. Une nouvelle étude apporte un éclairage intéressant sur la façon dont nous pourrions prédire et potentiellement prévenir ces blessures.

Une étude sur les chevilles, novatrice

Une équipe de chercheurs brésiliens, dirigée par Lucas Sartori Manoel, a récemment mené une étude prospective sur 89 footballeurs professionnels. L’objectif était d’identifier les facteurs de risque présents lors de l’évaluation de pré-saison qui pourraient prédisposer les joueurs aux blessures à la cheville. Les chercheurs ont effectué une série de tests avant le début de la saison, puis ont suivi les joueurs tout au long de la période compétitive pour enregistrer les blessures survenues.

Les chiffres qui interpellent

Sur l’ensemble de la saison, 45 blessures ont été recensées. Parmi celles-ci, 16 étaient des blessures non traumatiques à la cheville, représentant 36% du total des blessures. Ce chiffre est particulièrement préoccupant, car il suggère qu’un nombre important de blessures à la cheville pourrait potentiellement être évité avec une meilleure prévention.

Le test révélateur pour la cheville : le Y-Balance Test

L’un des résultats les plus marquants de cette étude concerne le Y-Balance Test (YBT). Ce test fonctionnel, qui évalue l’équilibre dynamique, le contrôle neuromusculaire et la stabilité, s’est avéré être un excellent prédicteur des blessures à la cheville et notamment des entorses. Les joueurs qui ont obtenu des scores plus faibles au YBT ont présenté une incidence plus élevée de blessures à la cheville au cours de la saison.

Le YBT consiste à se tenir sur une jambe tout en étendant l’autre dans trois directions différentes, formant ainsi un « Y ». Ce test simple mais efficace permet d’évaluer plusieurs aspects de la fonction de la cheville en même temps, offrant ainsi une vue d’ensemble de la capacité fonctionnelle du joueur.

La force musculaire : un faux ami ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’étude n’a trouvé aucune corrélation significative entre les mesures de force musculaire obtenues par dynamométrie isocinétique et l’incidence des blessures à la cheville.

Ce résultat surprenant remet en question l’idée reçue selon laquelle une force musculaire supérieure serait synonyme de moindre risque de blessure ou d’entorse

Cela ne signifie pas pour autant que la force musculaire n’est pas importante. Cependant, cela suggère que pour la prévention des blessures à la cheville, d’autres facteurs comme l’équilibre, la coordination et la stabilité pourraient jouer un rôle plus crucial que la force musculaire isolée.

L’indice de masse corporelle : un facteur inattendu

Un autre résultat intéressant de l’étude concerne l’indice de masse corporelle (IMC) des joueurs. Les chercheurs ont constaté que les athlètes ayant un IMC plus élevé présentaient un risque accru de blessures à la cheville. Cette corrélation pourrait s’expliquer par une charge mécanique plus importante sur les articulations de la cheville lors des mouvements complexes propres au football.

Ce résultat souligne l’importance de maintenir un poids de forme optimal, non seulement pour les performances sur le terrain, mais aussi pour la prévention des blessures.

Implications pratiques pour le terrain

À la lumière de ces résultats, voici quelques recommandations pratiques pour les joueurs et les entraîneurs soucieux de réduire le risque de blessures à la cheville :

1. Intégrer le Y-Balance Test dans les évaluations régulières : Ce test simple peut fournir des informations précieuses sur le risque de blessure d’un joueur. Il peut être effectué régulièrement pour suivre les progrès et identifier les domaines nécessitant une attention particulière.
2. Mettre l’accent sur l’entraînement de l’équilibre et de la stabilité : Plutôt que de se concentrer uniquement sur le renforcement musculaire, il est important d’inclure des exercices qui améliorent l’équilibre, la coordination et la stabilité globale de la cheville.
3. Surveiller et gérer le poids des joueurs : Bien que la masse musculaire soit importante dans le football, il faut veiller à ce que l’IMC des joueurs reste dans une fourchette optimale pour réduire le risque de blessures.
4. Adopter une approche holistique de la préparation physique : La prévention des blessures à la cheville ne dépend pas d’un seul facteur. Il est crucial de travailler sur tous les aspects de la condition physique, y compris la souplesse, la proprioception et la coordination.
5. Personnaliser les programmes de prévention : Les résultats de tests comme le YBT peuvent aider à identifier les joueurs à risque et à mettre en place des programmes de prévention personnalisés suivant les deficits relevés

Limites de l’étude et perspectives futures

Bien que cette étude apporte des informations précieuses, il est important de noter ses limites. La période de suivi était relativement courte (environ 3 mois), et les données sur les blessures ont été collectées exclusivement par les équipes médicales des clubs, ce qui pourrait introduire des variations dans la façon dont les blessures ont été rapportées et classifiées.

Néanmoins, ces résultats ouvrent des perspectives intéressantes pour la recherche future. Il serait notamment intéressant de mener des études similaires sur une période plus longue et avec un échantillon plus large de joueurs pour confirmer et approfondir ces résultats.

Pour les joueurs, ces résultats soulignent l’importance de travailler non seulement sur la force, mais aussi sur l’équilibre et la proprioception. Pour les entraîneurs et les équipes médicales, ils offrent de nouvelles perspectives pour l’évaluation des risques et la mise en place de programmes de prévention plus efficaces.

En fin de compte, la prévention des blessures à la cheville n’est pas seulement une question de performance sportive, mais aussi de santé à long terme des joueurs. En intégrant ces nouvelles connaissances dans la préparation et l’entraînement des footballeurs professionnels, nous pouvons espérer voir moins de joueurs sur le banc de touche et plus d’action passionnante sur le terrain.