Les lésions des ischio-jambiers sont parmi les blessures les plus fréquentes et récidivantes dans de nombreux sports. En tant que kinésithérapeutes du sport, nous sommes en première ligne pour traiter ces blessures. Mais sommes-nous vraiment équipés pour offrir la meilleure prise en charge possible ? Une étude récente publiée dans Medicine & Science in Sports & Exercise apporte un nouvel éclairage sur les déficits persistants après une lésion des ischio-jambiers, et pourrait bien révolutionner notre approche de la rééducation.

homme faisant une fente avant avec haltères

Le mystère des récidives des ischion-jambiers enfin élucidé ?

Vous vous êtes sûrement déjà demandé pourquoi certains athlètes semblent enchaîner les rechutes, malgré une rééducation apparemment réussie. L’étude menée par Buhmann et al. (2020) apporte des éléments de réponse fascinants. Les chercheurs ont découvert que même après un retour complet à l’activité, les athlètes ayant subi une lésion des ischio-jambiers présentent des déficits significatifs dans trois domaines clés :

  1. L’activation volontaire du muscle
  2. La force excentrique
  3. Les réflexes d’étirement et tendineux

Ces déficits persistent bien au-delà de la phase aiguë de la blessure, avec une moyenne de 8,3 mois après la lésion initiale dans cette étude. Cela pourrait expliquer pourquoi certains athlètes restent vulnérables aux récidives, même longtemps après leur retour sur le terrain.

L’activation volontaire : le talon d’Achille de la rééducation ?

L’un des résultats les plus frappants de cette étude concerne l’activation volontaire du muscle. Les participants ayant subi une lésion des ischio-jambiers montraient une diminution significative de leur capacité à activer pleinement le muscle lors de contractions excentriques maximales. En d’autres termes, même lorsqu’ils pensaient donner leur maximum, leur cerveau n’arrivait pas à recruter toutes les fibres musculaires disponibles.

Ce déficit d’activation était particulièrement prononcé lors des contractions excentriques, avec une différence moyenne de 24,1% par rapport au groupe contrôle. C’est énorme ! Imaginez un sprinter qui ne peut utiliser que 75% de la puissance de ses ischio-jambiers lors de la phase d’allongement de sa foulée.

Implications pratiques pour votre cabinet

Que signifient ces résultats pour votre pratique quotidienne ? Voici quelques pistes concrètes pour améliorer votre prise en charge :

  1. Évaluez l’activation musculaire : Ne vous contentez pas de tester la force. Utilisez des techniques comme la contraction maximale volontaire (CMV) pour évaluer la capacité d’activation du muscle. Un dynamomètre manuel peut être un outil précieux pour quantifier ces déficits.
  2. Focalisez-vous sur le travail excentrique : Les déficits observés étaient spécifiques aux contractions excentriques. Intégrez davantage d’exercices excentriques progressifs dans vos protocoles de rééducation, en veillant à atteindre des niveaux d’activation élevés.
  3. Utilisez le biofeedback : Pour aider vos patients à surmonter ces déficits d’activation, le biofeedback EMG peut être un allié précieux. Il permet au patient de visualiser son niveau d’activation musculaire et de travailler à l’améliorer consciemment.
  4. Ne négligez pas les réflexes : L’étude a également mis en évidence des déficits dans les réflexes d’étirement et tendineux. Intégrez des exercices proprioceptifs et pliométriques pour stimuler ces voies réflexes.
  5. Prolongez la rééducation : Ces déficits persistant bien après le retour à l’activité, envisagez de prolonger la phase de rééducation, même après la reprise du sport. Un suivi régulier sur plusieurs mois pourrait aider à prévenir les récidives.

Au-delà de la force : l’importance du contrôle neuromusculaire

Cette étude nous rappelle que la rééducation des lésions musculaires ne se limite pas à restaurer la force. Le contrôle neuromusculaire, la capacité du système nerveux à activer efficacement le muscle, est tout aussi crucial.

Les déficits observés dans les réflexes d’étirement et tendineux suggèrent une altération de la voie afférente Ia, responsable de la sensibilité du muscle à l’étirement. Cette voie joue un rôle clé dans la stabilité dynamique et la protection du muscle contre les étirements excessifs.

Pour cibler spécifiquement ces aspects, vous pourriez :

  • Utiliser la stimulation électrique à large impulsion pour augmenter l’input afférent vers le pool de motoneurones des ischio-jambiers.
  • Intégrer des exercices de vibration tendineuse, qui peuvent améliorer l’excitabilité des voies réflexes.
  • Travailler sur des exercices de contrôle moteur précis, en variant les vitesses et les amplitudes de mouvement.

Vers une rééducation individualisée

Chaque blessure est unique, et cette étude souligne l’importance d’une approche individualisée. Les déficits observés variaient considérablement d’un individu à l’autre. Certains participants montraient des déficits marqués d’activation volontaire, tandis que d’autres présentaient surtout des altérations des réflexes.

En tant que kinésithérapeutes, nous devons être capables d’identifier ces déficits spécifiques et d’adapter notre prise en charge en conséquence. Cela implique :

  1. Une évaluation complète, incluant des tests d’activation volontaire, de force excentrique et de réflexes.
  2. L’élaboration d’un programme de rééducation ciblé, basé sur les déficits spécifiques identifiés.
  3. Un suivi régulier pour ajuster le programme en fonction des progrès.

Conclusion : repousser les limites de notre pratique

Cette étude nous invite à repenser notre approche de la rééducation des lésions des ischio-jambiers. Elle met en lumière des déficits subtils mais significatifs qui peuvent persister bien après que le muscle semble avoir récupéré sa force et sa fonction.

En tant que kinésithérapeutes du sport, nous avons la responsabilité de rester à la pointe des connaissances scientifiques pour offrir la meilleure prise en charge possible à nos patients. Cette étude ouvre de nouvelles perspectives passionnantes pour améliorer nos protocoles de rééducation et, ultimement, réduire le taux de récidive des lésions des ischio-jambiers.

Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Pour approfondir ces concepts et acquérir des outils pratiques pour les mettre en œuvre dans votre cabinet, notre formation approfondie sur les lésions musculaires vous permettra de maîtriser ces nouvelles approches. Ne laissez pas ces connaissances cruciales vous échapper – investissez dans votre développement professionnel et devenez un expert reconnu dans la prise en charge des lésions des ischio-jambiers !

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